La traversée de la Méditerranée révèle un visage claustrophobique & inhospitalier de l’Europe …
La Méditerranée, terre d’olivier, nombril du monde, carrefour commercial entre l’Ouest et l’Est, point de rencontre des peuples et civilisations, parfois même des conflits militaires, est liée dans notre mémoire au périple d’Ulysse qui a navigué pendant dix années entières entre Troie et les Piliers d’Hercule (Gibraltar) avant de joindre Ithaque. Alors qu’Ulysse, lui, il a eu la chance d’arriver chez lui, des milliers d’immigrés des pays d’Afrique et d’Asie quittent leur foyer dans l’espoir de survivre. Eux-mêmes et leurs proches restés au pays, deviennent l’objet d’exploitation, logés dans des conditions déplorables et menacés par la famine, la misère et la mort, jour après jour…
Pendant la dernière décennie, sept mille immigrés clandestins ont subi une mort affreuse dans les eaux de la Méditerranée, avec pour point culminant le naufrage tragique au large de Lampedusa qui a coûté la vie à des centaines d’hommes, de femmes et d’enfants Africains.
Victimes du colonialisme et de l’impérialisme, ces désespérés du tiers monde qui rêvent d’un meilleur sort aux « paradis » capitalistes de l’Ouest et l’Est, sont confrontés à l’indifférence totale de l’UE mais aussi à la haine de certains citoyens européens emportés par des idéologies menant à des sentiers sombres et dangereux. Ce sont ceux qui oublient que l’immigration tient ses racines des conflits d’intérêts entre les pays riches et des jeux de pouvoir ainsi que de l’écart de développement entre les pays industrialisés et sous-développés, à cause de la répartition déséquilibrée de la richesse sociale entre les peuples et même les gens.
Voilà l’Odyssée des immigrés africains qui débarquent quotidiennement aux pays de l’Europe du sud, comme la décrit le célèbre écrivain suisse J. Ziegler: « Depuis les terres vastes de l’Afrique noire, une foule interminable d’errants déferle vers le Sahara. Leur rêve est de joindre les côtés de la Méditerranée et puis l’Europe. Beaucoup d’entre eux se perdent dans le détroit de Gibraltar. Ils s’empilent par centaines dans des camions pourris qui roulent pendant trois ou quatre jours, durant lesquels leur cargo humain commence à agoniser. Au bord de la route s’étendent des fossés pleins de corps… En mai 2001 une caravane de Touareg a découvert au nord de Tenere un fossé avec 141 corps. 60 des morts étaient originaires du Nigéria et le reste du Ghana, du Cameroun, de la Côte de l’Or…»[1].
Malheureusement, l’UE ne semble pas prête à faire face à ce problème énorme et se limite à sauver les apparences, comme cela est devenu évident lors de la visite de son président M. Barroso à Lampedusa afin d’exprimer son soutien aux habitants de l’île. Sous les huées de ceux-ci, il a balbutié quelques mots vagues, sans pour autant faire référence à l’Accord de Schengen, fait sur mesure pour les pays du noyau européen, alors que les pays du Sud de l’Europe sont contraints à se débrouiller seuls face à des dizaines de milliers d’immigrés qui arrivent sur les côtes de la Grèce, de l’Espagne et de l’Italie quotidiennement, entassés par centaines dans les «bateaux poubelles» des marchands d’esclaves, puisque cet Accord ne permet pas le renvoi des immigrés vers un autre pays de l’UE.
Il est vrai que les capacités d’absorption des immigrés chez les pays de l’UE, surtout dans l’Europe du Sud, est limitée due à la crise économique. Pourtant, la solution n’est pas de « tourner le dos » mais de répartir les immigrés sur la base de la population et de la dynamique économique de chaque pays et surtout d’offrir de l’aide au développement aux pays de provenance des immigrés, une condition préalable pour la résolution efficace du problème.
Les méthodes contemporaines de surveillance des frontières contre la vague d’immigration, loin de protéger de manière efficace les citoyens européens, nuisent à ce qu’il reste de la fameuse démocratie libérale de l’Ouest, en faveur de la paranoïa raciste et en déclenchant le fantôme du fascisme et du Nazisme toujours latent. Il est temps que l’Ouest « avancé » et les possédants partagent les acquis et leur « exploits » économiques avec ceux qui n’ont rien, les « damnés de la terre », sinon leur réussite pourrait devenir suicidaire …
[1] Jean Ziegler, La privatisation du monde et les nouveaux maîtres du monde, Sinchronoi-Orizontes, Thessaloniki, 2004
* Le texte est basé sur des articles de Mr. Z.Papadimitriou, professeur émérite de la faculté de Droit de l’Université d’Aristote de Thessalonique et de Mr. G. Stamkos, écrivain, publiés sur TVXS en novembre 2013.